Visite à l'Escadron de Chasse 1/4 "Gascogne"

Le 16 octobre 2025, l’équipe Spotter de l’ANORAAE a eu la chance de se rendre à nouveau sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier. Cette fois, il s’agissait de réaliser un reportage sur un escadron opérationnel : l’escadron de chasse 1/4 « Gascogne ». Cet escadron prestigieux appartient aux Forces Aériennes Stratégiques et a, entre autres, la lourde responsabilité de pouvoir délivrer le feu nucléaire afin de défendre notre nation, si nécessaire.

L’objectif de ce reportage est de mettre en avant quelques points historiques sur les FAS et sur l’escadron et d’accompagner cela de clichés qui, je l’espère, vous plairont.

Les Forces Aériennes Stratégiques

Nées d’une volonté politique affirmée, les Forces aériennes stratégiques incarnent depuis 1964 la souveraineté de la France dans le domaine nucléaire. Leur première alerte, avec un Mirage IV armé d’une bombe AN-11, a marqué le début d’une aventure humaine et technologique sans précédent, plaçant la dissuasion au cœur de notre stratégie de défense. Aux côtés de la composante océanique, les FAS garantissent la crédibilité de cette posture en alliant puissance, réactivité et maîtrise. A travers le triptyque Rafale, missile ASMP-A/R et A330 MRTT Phénix, les FAS offrent des modes d’action singuliers au président de la République et permettent une démonstration visible de la crédibilité de la dissuasion. Ancrées sur les bases de Saint-Dizier, Istres et Avord, et désormais coordonnées depuis Taverny, elles poursuivent leur transformation pour faire face aux menaces de demain. Connectivité accrue, intelligence artificielle, missile hypersonique ASN4G ou futur Rafale F5 : chaque innovation prolonge la même ambition, celle d’une dissuasion française toujours crédible, souveraine et résolument tournée vers l’avenir.

L’Escadron de chasse 1/4 Gascogne

Aux origines d’une lignée aérienne (1914 – 1939)

L’histoire du Gascogne plonge ses racines dans les premières heures de l’aviation militaire française. Les escadrilles SAL 28 et SPA 79, créées pendant la Première Guerre mondiale, constituent les piliers de cette lignée. Engagées sur les fronts de la Somme, de Verdun et de Lorraine, elles se distinguent par leur audace et leur esprit d’innovation. La SAL 28, reconnaissable à son éléphant du Nil, et la SPA 79, à la tête de loup, comptent parmi les unités les plus décorées de leur temps. À leurs côtés, les escadrilles BR 66 et SPA 37 viendront plus tard enrichir les traditions du futur escadron.

Entre les deux guerres, la France consolide ses forces aériennes. En 1924, un Groupe de reconnaissance est formé à Cazaux, puis en 1937, le Groupe de bombardement II/19 voit officiellement le jour à Bordeaux-Mérignac. Ses deux escadrilles, la SAL 28 et la SPA 79, deviennent le cœur d’une nouvelle unité de combat : le « Gascogne ». Le groupe rejoint la 19ème escadre de bombardement et se spécialise dans les missions de reconnaissance et de tir.

Le feu de la Seconde Guerre mondiale (1939 – 1945)

En 1939, à la veille du conflit mondial, le GB II/19 est déployé en Afrique du Nord. Rapidement engagé dans la campagne de France, il subit de lourdes pertes : sur 26 équipages, seuls quelques-uns regagnent le continent africain.

Reconstitué en 1941 sous l’appellation de groupe de bombardement léger I/19, il prend part à des missions de protection de convois et d’attaques sur Gibraltar avant d’être réorganisé par les forces alliées. En 1944, équipé de bombardiers B-26 Marauder, le groupe devient officiellement le GBM 1/19 « Gascogne ».

Sous le commandement du chef d’escadron Secrétan, le Gascogne participe à la campagne d’Italie, puis à la libération de la France et à la campagne d’Allemagne. En moins d’un an, le groupe totalise 118 missions de guerre, plus de 1 400 heures de vol et près de 1 300 tonnes de bombes larguées. Deux citations à l’ordre de l’armée viendront couronner son engagement.

L’Indochine et l’Algérie : la continuité du combat (1951 – 1962)

Reformé en janvier 1951 à Tourane, le Gascogne reprend du service pour soutenir les troupes françaises en Indochine. Doté de Douglas B-26 Invader, il effectue plus de 21 000 heures de vol, largue 13 000 tonnes de bombes et participe à la bataille de Diên Biên Phu. Son efficacité lui vaut six citations à l’ordre de l’armée et la fourragère de la Légion d’honneur.

Quatre ans après la fin du conflit, le groupe renaît une nouvelle fois, cette fois en Afrique du Nord. En 1956, le GB 1/91 Gascogne est créé à Bône-les-Salines. Engagé dans la guerre d’Algérie, il mène plus de 9 000 missions, représentant 44 300 heures de vol, avant d’être rapatrié à Bordeaux en 1962.

L’ère nucléaire et le Mirage IV (1964 – 2005)

Le 1er juin 1964, le Gascogne entre dans une ère nouvelle avec la création de l’escadron de bombardement 1/91 à Mont-de-Marsan. Équipé du Mirage IV A, il devient la première unité à capacité nucléaire des Forces Aériennes Stratégiques (FAS). Dès octobre 1964, l’escadron prend sa première alerte nucléaire.

Le 19 juillet 1966, lors de l’opération Tamouré, un Mirage IV du Gascogne réalise le premier tir réel d’une bombe atomique française, au Centre d’essai du Pacifique.

L’escadron participe ensuite à de nombreuses opérations et évolue au rythme des progrès technologiques : modernisation avec le Mirage IVP/ASMP en 1986, puis transformation en unité de reconnaissance stratégique en 1992. Les équipages du Gascogne sont engagés dans des théâtres variés : Bosnie (opération Crécerelle), Irak (Aladin), Kosovo (Trident), Afghanistan (Héraclès), ou encore mer Rouge (Condor).

Le dernier Mirage IV prend son envol le 23 juin 2005, marquant la fin d’une époque prestigieuse pour l’escadron.

Le Rafale : puissance et polyvalence (depuis 2008)

Le 1er septembre 2008, le Gascogne renaît sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier, cette fois sur Rafale B, au sein de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française.

L’escadron retrouve ses escadrilles fondatrices – SAL 28, SPA 79 et BR 66 – et s’installe dans le bâtiment RAF2, baptisé en mémoire du capitaine « Bouba » Moriuser, mort en service aérien commandé.

Dès 2010, le couple Rafale B / ASMPA est déclaré opérationnel. Le « Gascogne » devient alors un acteur clé des opérations extérieures :

• Libye (2011) – Opération Harmattan, 368 sorties, 7 missiles SCALP tirés, 57 bombes AASM GPS, et une citation à l’ordre de l’armée ;

• Sahel (2013–2016) – Engagement dans Serval puis Barkhane ;

• Irak et Syrie (depuis 2014) – Déploiements dans le cadre de Chammal, puis participation à l’opération Hamilton en 2018, frappant des cibles stratégiques en Syrie aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni.

L’escadron s’illustre également lors d’exercices internationaux majeurs : Maple Flag au Canada, Garuda en Inde, Heifara-Wakea en Polynésie, ou encore Quad Eunomia en Méditerranée. Ces déploiements démontrent la capacité de la France à projeter sa puissance aérienne sur de longues distances, tout en entretenant une interopérabilité étroite avec ses alliés.

Départ en mission au « Gascogne » - Novembre 2025

Un escadron ancré dans la tradition et tourné vers l’avenir

Le « Gascogne » perpétue les traditions de ses escadrilles historiques – l’éléphant du Nil, la tête de loup, le faucon égyptien et le condor – tout en s’adaptant aux exigences contemporaines de la guerre aérienne. Ses aviateurs, porteurs d’un héritage séculaire, continuent de conjuguer rigueur, cohésion et excellence technique, au service de la dissuasion nucléaire française et des opérations extérieures. Fort de plus d’un siècle d’histoire, l’Escadron de chasse 1/4 « Gascogne » incarne aujourd’hui une unité d’élite, symbole de la puissance aérienne française et de la continuité de son engagement dans la défense nationale.

Petit clin d’œil

Les Escadrilles du « Gascogne » : héritage et symboles

Un héritage vivant

Les traditions de l’Escadron de chasse 1/4 « Gascogne » reposent sur quatre escadrilles historiques : la SAL 28, la SPA 79, la BR 66 et la SPA 37. Chacune d’elles porte un héritage issu de la Première Guerre mondiale, mêlant bravoure, esprit d’innovation et identité forte. Ces emblèmes ne sont pas de simples souvenirs : ils incarnent encore aujourd’hui les valeurs de l’escadron et inspirent les générations d’aviateurs du « Gascogne ».

Escadrille SAL 28 – L’éléphant

Créée le 1er septembre 1914 au Camp retranché de Paris, la SAL 28 est d’abord une unité de reconnaissance armée équipée de Farman HF 20.

Engagée dès les premières batailles de la Picardie, elle signe sa première victoire aérienne le 24 octobre 1914, en abattant un avion allemand. Après plusieurs transformations (C 28, SOP 28 puis SAL 28), elle s’illustre notamment lors de la bataille de Verdun et dans les offensives de la Somme, de l’Aisne et de Lorraine.

Son insigne, un éléphant bleu inspiré de la marque “Le Nil”, est adopté en 1917. Symbole de puissance et de mémoire, il est toujours arboré sur les Rafale du « Gascogne ».

Escadrille SPA 79 – La tête de loup

Née le 21 novembre 1916, la SPA 79 (initialement N 79) est une escadrille de chasse équipée de Nieuport 12 et 17, puis de SPAD VII et XIII.

Elle participe aux combats les plus intenses de la Grande Guerre : la Seconde bataille de l’Aisne, la bataille du Matz, les offensives sur Noyon et Montdidier, jusqu’à l’armistice de 1918.

Son insigne, une tête de loup, symbolise l’agilité et la combativité.

Plusieurs de ses pilotes figurent parmi les as de leur temps, tels que le capitaine Robert Franc et le maréchal des logis Jean Sauclière.

Escadrille BR 66 – Le faucon égyptien

La BR 66, créée en 1915 sous le nom de C 66, est une escadrille de bombardement léger au sein du 1er Groupe de Bombardement.

Elle participe à des missions audacieuses sur Metz, Arnaville et Karlsruhe, et subit de lourdes pertes lors de ces raids à longue distance. En 1917, elle se transforme sur Breguet 14, avion emblématique du bombardement français.

Son insigne, un faucon égyptien aux ailes déployées, incarne la vigilance et la force.

Après 1918, la BR 66 poursuit son service jusqu’en Pologne où elle devient la 4e escadrille de reconnaissance polonaise, contribuant à l’édification de l’aviation de ce pays allié.

Escadrille SPA 37 – Le Charognard

Constituée en janvier 1915 à Châteaufort, la SPA 37 (d’abord N 37) est une escadrille de chasse offensive. Elle prend part aux combats les plus acharnés du conflit : Champagne, Verdun, Somme, Chemin des Dames, puis Saint-Mihiel en appui de la 6e armée américaine. Le capitaine Feierstein adopte en 1917 un condor en vol comme emblème, symbole de puissance et d’endurance. L’escadrille devient célèbre sous le surnom des « Charognards », référence à leur pugnacité dans le ciel français.

Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement le LCL François « OBÉ », le LCL Lindsay « BBQ » ainsi que l’ensemble des membres de l’escadron, qui m’ont accueilli avec beaucoup de gentillesse pour ce reportage, malgré une actualité particulièrement chargée.

Je remercie également le commandant de la BA 113 le COL Matthieu, le Commandement des Forces Aériennes Stratégiques (LT Dorine et la CNE Manon), ainsi que la cellule communication de la base (Mme Fleur), pour m’avoir autorisé à réaliser ce reportage.

Enfin, un grand merci au SGT Alexis « MENNE’SS » et au SCH (R) Alex « ROLEX », qui m’ont accompagné – et supporté 😊 – tout au long de cette superbe journée.

Article et crédit photo : Pierre Ravry - ANORAAE

Vous pourrez retrouver quelques photos complémentaires au niveau des galeries ici